Ce que l'on sait de la condamnation à 30 ans de prison de Roger Lumbala, ancien chef rebelle congolais

Roger Lumbala regarde la caméra avec un air sérieux. Il porte une veste de costume bleue et une chemise jaune.

Crédit photo, AFP/Getty Images

Légende image, Roger Lumbala, 67 ans, a refusé de reconnaître la légitimité du tribunal de Paris.
    • Author, Pamela Amunazo
    • Role, BBC Afrique
    • Reporting from, Kinshasa
    • Author, Emery Makumeno
    • Role, BBC Africa
    • Reporting from, Kinshasa
    • Author, Wycliffe Muia

Roger Lumbala a été condamné à 30 ans de prison par un tribunal de Paris pour son rôle dans les crimes commis en République démocratique du Congo entre 2002 et 2003.

La justice française l'a reconnu coupable de complicité de crimes contre l'humanité, pour avoir ordonné, aidé ou encouragé ses troupes lors de l'opération « Effacer le tableau » dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri.

Le parquet avait requis la réclusion à perpétuité, mais les juges ont prononcé une peine de 30 ans.

Cet ancien chef de guerre dirigeait le Rassemblement Congolais pour la Démocratie-National (RCD-N), qui avait lancé l'opération « Effacer le tableau », au cours de laquelle des civils ont été victimes de viols, d'esclavage sexuel, de travaux forcés, de torture, de mutilations et d'exécutions. Le pillage de ressources telles que les diamants et le coltan a également été perpétré par le RCD-N.

L'opération visait des membres des groupes ethniques Nande et Bambuti dans les provinces du nord-est de l'Ituri et du Nord-Kivu, accusés de soutenir une milice rivale.

Une équipe de l'ONU chargée de l'enquête a déclaré que les événements étaient caractérisés par des « opérations préméditées utilisant le pillage, le viol et les exécutions sommaires comme outils de guerre » .

Ce procès marque une première : l'application du principe de compétence universelle à des crimes internationaux commis en RDC par un ressortissant congolais durant la Seconde Guerre du Congo. Il s'agit aussi d'un cas exceptionnel, puisqu'il met en cause un ancien ministre.

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Le vice-président de la délégation des rebelles du M23, Roger Lumbala, participe à une conférence de presse à Kampala, capitale de l'Ouganda, le 8 janvier 2013.

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Ses avocats dénoncent un « acharnement »

Les avocats de l'ancien député, sénateur et ministre Roger Lumbala Tshitenga ont contesté la légitimité de la justice française pour juger leur client.

Ils ont dénoncé un « acharnement » et demandé son extradition en RDC, estimant que la justice congolaise est compétente pour juger ces crimes.

Maitre Tshibangu Kalala a cité en exemple le récent procès contre l'ancien chef de l'État Joseph Kabila devant la Haute Cour militaire.

Après deux apparitions au tribunal, Roger Lumbala avait décidé de boycotter le reste du procès, ne revenant que pour le verdict.

À la première audience, il avait récusé la cour et ses avocats, déclarant : « Je considère que la France est non compétente pour me juger. Je récuse mes avocats et refuse de comparaître devant cette cour. »

"Une lueur d'espoir pour les survivantes"

Le lauréat congolais du prix Nobel de la paix, militant des droits humains et gynécologue Denis Mukwege, avant sa cérémonie officielle d'entrée en tant que membre de l'Académie des sciences morales et politiques, qui fait partie de l'Institut de France (la prestigieuse académie française des arts et des sciences), à l'Institut de France à Paris, le 1er décembre 2025.

Crédit photo, AFP via Getty Images

Légende image, Le docteur Mukwege a affirmé que ce premier procès est « une première lueur d'espoir » pour les victimes, et un signal fort envoyé aux autres auteurs de crimes en RDC.
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Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, le prix Nobel de la Paix Denis Mukwege salué la condamnation à 30 ans de réclusion de l'ex-chef rebelle Roger Lumbala.

Dénis Mukwege décrit cette décision comme un tournant historique qui « brise le cycle de l'impunité ».

« Je tiens à saluer le courage dont ont fait preuve les victimes, les survivantes de violence sexuelle et les témoins dans cette procédure, malgré les pressions exercées, ainsi que le travail des ONG internationales et congolaises qui ont enquêté les faits incriminés et facilité la participation des victimes et des témoins », a-t-il publié.

Le docteur Mukwege a affirmé que ce premier procès est « une première lueur d'espoir » pour les victimes, et un signal fort envoyé aux autres auteurs de crimes en RDC.

Il appelle à une véritable politique de justice transitionnelle, incluant vérité, réparations et garanties de non répétition grâce à une réforme profonde du secteur sécuritaire.

« Ce premier procès devant un tribunal compétent et indépendant ne doit pas être le dernier : il doit être le premier d'une avancée historique vers la justice pour les survivants des atrocités de masse commises en RDC et vers la fin de l'impunité pour les auteurs de ces crimes imprescriptibles », espère Dénis Mukwege.

Un verdict historique selon des ONG

Plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International et Justice Plus, ont qualifié ce procès d'historique.

Elles saluent une étape cruciale vers la fin de l'impunité, soulignant que c'est la première fois qu'un tribunal étranger condamne une personne pour des atrocités commises dans l'est de la RDC en vertu du principe de compétence universelle.

Selon Xavier Macky, responsable de Justice Plus , « ce verdict est un signal fort pour les chefs de guerre : ils ne peuvent plus agir en toute impunité. C'est un soulagement pour les victimes, après un combat de plusieurs années. »

Cinq organisations non gouvernementales, dont Trial International et la Clooney Foundation for Justice, ont mis en commun leur expertise pour participer au procès, en aidant les survivants à témoigner et en demandant des analyses d'experts.

Trial International, un groupe de défense des droits humains basé à Genève, a indiqué que 65 survivants, témoins et experts ont témoigné devant le tribunal au sujet de l'opération « Erase the Slate ».

Après le verdict, elle a publié une déclaration de deux des survivants - David Karamay Kasereka et Pisco Sirikivuya Paluku.

« Nous avions peur, mais nous sommes venus jusqu'ici parce que la vérité compte. Pendant des années, personne ne nous a entendus », ont-ils déclaré.

« Nous aurions préféré affronter Roger Lumbala, le regarder dans les yeux. Mais ce verdict marque un premier pas vers la reconquête de morceaux de nous-mêmes qui nous ont été volés. »

Au cours du procès, M. Kasereka, 41 ans, a décrit comment son père et ses voisins ont été torturés et tués par les hommes de Lumbala, rapporte l'agence de presse AP.

M. Paluku, aujourd'hui infirmier et âgé de 50 ans, a raconté comment les rebelles l'ont volé et blessé, ont tué son oncle et ont violé la femme de son ami, rapporte l'AFP.

« Nous espérons que cela servira de leçon à ceux qui continuent de faire souffrir le peuple congolais, et en particulier l'Ituri », a-t-il déclaré à l'agence de presse Reuters.

Selon l'AP, l'équipe juridique de Lumbala, qui dispose de dix jours pour faire appel, a qualifié la peine d'excessive. Le parquet avait requis la réclusion à perpétuité.

L'est de la République démocratique du Congo, riche en minéraux, est ravagé par un conflit depuis plus de 30 ans, suite au génocide rwandais de 1994. Plusieurs accords de paix conclus depuis les années 1990 ont échoué.

Au fil des ans, plusieurs autres chefs de milices, dont Thomas Lubanga, Germain Katanga et Bosco Ntaganda, ont été jugés et condamnés par la Cour pénale internationale (CPI) pour des exactions commises dans l'est de la RDC.

Les organisations de défense des droits humains ont salué le verdict rendu lundi comme une étape importante vers une plus grande responsabilisation dans le conflit qui dure depuis longtemps dans cette région.

« Ce verdict est historique. Pour la première fois, un tribunal national a osé affronter les atrocités de la Seconde Guerre du Congo et montrer que la justice peut triompher même après des décennies d'impunité », a déclaré Daniele Perissi de Trial International dans un communiqué.

Roger Lumbala, ancien chef rebelle et ex-ministre du Commerce extérieur (2002-2004), a été interpellé en France en décembre 2020, mis en examen en janvier 2021, puis jugé en novembre 2025 pour complicité de crimes contre l'humanité et association de malfaiteurs en vue de préparer un crime contre l'humanité.

Il a dirigé le RCD-N, groupe armé actif dans l'est de la RDC durant la Seconde Guerre du Congo (1998-2003). Il fut également candidat à la présidentielle en 2006.

Ce verdict marque la fin d'un processus, mais pas l'épilogue : un procès civil est prévu en juin 2026, et Roger Lumbala peut encore faire appel.