Voici les 10 pays africains qui ont connu le plus de coups d'État réussis

Des membres de la junte militaire arrivent au ministère malien de la Défense à Bamako, le 19 août 2020, au lendemain de l'arrestation par l'armée du président malien Ibrahim Boubacar Keïta et de sa démission officielle.

Crédit photo, Getty Images

Légende image, La plupart des pays du Sahel ont connu des prises de pouvoir militaires. (Photo : le 19 août 2020 à Bamako, au Mali, au lendemain de l'arrestation par l'armée du président malien Ibrahim Boubacar Keïta et de sa démission officielle).
    • Author, Ousmane Badiane
    • Role, Digital Journalist BBC Afrique

L'Afrique arrive en tête du classement des continents les plus frappés par les coups d'État depuis les années 1950.

Près de 7 coups d'État sur 10 dans le monde ont lieu sur le continent africain, selon les données consolidées des chercheurs américains Jonathan Powell et Clayton Thyne, spécialistes des coups d'Etat et des transitions politiques.

Depuis 2000, les trois quarts des coups d'État réussis en Afrique ont eu lieu dans des anciennes colonies françaises.

Au total, 45 pays africains ont connu au moins une tentative de renversement du pouvoir.

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1. Burkina Faso (8 coups d'Etat réussis)

Longtemps considéré comme un laboratoire politique, le Burkina Faso a connu 10 coups d'État, dont deux en 2022.

Parmi les plus notables, on trouve ceux de 1966, 1980, 1982, 1983, 1987, 2015, et les deux coups d'État de 2022 qui ont vu l'arrivée de Paul-Henri Damiba puis du capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir.

S'il y a un coup d'Etat qui est resté dans toutes les mémoires, c'est celui du 15 octobre 1987. Au cours d'un "jeudi noir", de violents combats éclatent au Palais présidentiel entre rebelles et loyalistes.

Blaise Compaoré, que des divergences sur la manière de conduire la "révolution" opposent à Thomas Sankara, prend le pouvoir lors de ce coup d'Etat meurtrier. Sankara, père de la "révolution" burkinabè, est tué ainsi que 12 de ses collaborateurs.

Le 31 octobre 2014, Blaise Compaoré est chassé par la rue pour avoir voulu modifier la Constitution et se maintenir au pouvoir.

Depuis la chute du président Compaoré, le pays peine à stabiliser ses institutions dans un contexte sécuritaire explosif lié aux groupes djihadistes.

2. Sierra Leone (7 coups d'Etat réussis)

Photo datée du 09 novembre 1997 de Johnny Paul Koroma (2e R), l'ancien chef de la junte militaire qui a pris le pouvoir en Sierra Leone, et de son Premier ministre Solomon Saj ​​​​Musa (2e L) à Freetown.

Crédit photo, Issouf Sanogo/AFP via Getty Images

Légende image, Johnny Paul Koroma (3e en rouge, droite), l'ancien chef de la junte militaire qui a pris le pouvoir en Sierra Leone, en compagnie de son Premier ministre Solomon Saj ​​​​Musa (2e en rouge, gauche) à Freetown (Photo datée du 09 novembre 1997).
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La Sierra Leone porte une histoire politique marquée par des interventions militaires répétées, souvent déclenchées au carrefour des luttes partisanes et des fractures internes de l'armée. Depuis l'indépendance, les coups d'État ont été autant le produit des ambitions politiques que des défaillances structurelles de l'État.

21 mars 1967 – Renversement de Siaka Stevens par l'armée

A peine élu, Siaka Stevens (APC) est renversé par un groupe d'officiers menés par le brigadier David Lansana. L'armée prétend vouloir éviter une crise politique après les contestations électorales. Ce premier putsch plonge le pays dans une période de grande incertitude et marque l'entrée de l'institution militaire au cœur du jeu partisan.

25 mai 1997 – Coup d'État de Johnny Paul Koroma et de l'AFRC

Quelques mois après les élections de 1996, les perdants, frustrés par l'arrivée du SLPP au pouvoir, soutiennent un putsch orchestré par Johnny Paul Koroma et l'AFRC (Armed Forces Revolutionary Council).

Koroma renverse le président Ahmad Tejan Kabbah et s'allie à la rébellion du RUF.

Ce sixième putsch est l'un des plus violents de l'histoire du pays, plongeant Freetown dans des mois de chaos.

Depuis 1997, le pays n'a plus connu de coup d'État. Quatre élections nationales se sont déroulées depuis 1997, avec deux alternances pacifiques (2007, 2018), renforçant la légitimité du processus électoral.

3. Ouganda (7 coups d'Etat réussis)

Le major-général Idi Amin, auteur du coup d'État militaire réussi du mois précédent, prête serment sous la supervision du juge en chef Sir Dermont Sheridan (à gauche). (1/6/1971 - Kampala, Ouganda )

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Légende image, Le général Amin a été investi chef d'État ougandais lors d'une cérémonie haute en couleur, au cours de laquelle le nouveau gouvernement a également prêté serment. (Photo 1 juin 1971 - Kampala, Ouganda ).

L'Ouganda a connu plusieurs coups d'État notables, dont celui de Milton Obote en 1966 qui a mis fin à la monarchie et à la fédération.

S'ensuit le coup d'État militaire de 1971 par Idi Amin Dada, qui renverse Obote et instaure une dictature brutale, renversée elle-même en 1979 lors de la guerre ougando-tanzanienne.

L'instabilité continue avec le coup d'État de 1985 qui renverse Obote à nouveau, aboutissant à la prise de pouvoir par Yoweri Museveni en 1986 après une guerre civile.

Depuis l'arrivée au pouvoir de Museveni en 1986, aucun coup d'État militaire réussi n'a eu lieu, bien que son règne prolongé ait été caractérisé par la fusion politico-militaire et diverses modifications constitutionnelles pour maintenir son pouvoir

4. Mauritanie (6 coups d'Etat réussis)

La Mauritanie a connu 6 coups d'État militaires réussis depuis 1978. A ceux-ci s'ajoutent plusieurs tentatives avortées, parfois extrêmement violentes, mais qui ne sont pas comptabilisées comme coups d'État réussis selon la définition académique (Powell & Thyne, 2011).

Le premier, 10 juillet 1978 : Fin du régime de Moktar Ould Daddah

Ce premier coup d'État est mené par le colonel Mustafa Ould Salek, chef d'état-major, à la tête d'un groupe d'officiers mécontents.

Le régime de Daddah, au pouvoir depuis l'indépendance, est renversé. Le colonel Salek instaure une junte militaire, le Comité militaire pour le redressement national (CMRN).

Le dernier, 6 août 2008 : Renversement du président élu Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi

Moins de deux ans après le retour à un régime civil, l'armée reprend le pouvoir. Le général Abdel Aziz, ancien chef de la garde présidentielle limogé juste avant, orchestre le renversement du président élu Sidi Ould Cheikh Abdallahi.

Les putschistes disent agir "pour sauver la Constitution" après leur mise à l'écart. Un Haut Conseil d'État prend alors le pouvoir. Ould Abdel Aziz organise ensuite une présidentielle qu'il remporte en 2009.

5. Soudan (6 coups d'Etat réussis)

Le Soudan détient le record continental de tentatives avec 17 coups d'État recensés depuis 1952 dont six ont réussi.

Chacun de ces renversements s'est produit dans un contexte de profond désordre (guerres internes, effondrement économique, querelles partisanes ) et a contribué à façonner un système dans lequel la présence de l'armée au sommet de l'État est devenue une constante historique.

Le pays a alterné régimes militaires et transitions civiles avortées, sur fond de fractionnement politique, conflits armés et rivalités entre services de sécurité.

Depuis 1958, l'armée y intervient régulièrement, au point d'interrompre presque chaque tentative de transition démocratique.

En 2019, le président Omar el-Béchir, au pouvoir depuis de nombreuses années, a été destitué après des mois de manifestations Béchir lui-même avait pris le pouvoir par un coup d'État militaire en 1989.

Particularité : l'institution militaire est fragmentée, ses factions se disputent le pouvoir, comme l'illustre aujourd'hui la guerre entre généraux.

Le putsch du 25 octobre 2021 a prolongé une tradition de gouvernance dominée par les généraux, aujourd'hui divisés en factions rivales.

6. Burundi (5 coups d'Etat réussis)

Depuis son indépendance de la Belgique en 1962, le Burundi a été secoué par une série de coups d'État, souvent liés à des tensions ethniques entre Hutu et Tutsi, et à des conflits de pouvoir au sein de l'armée.

Le Burundi, petit pays d'Afrique de l'Est enclavé entre le Rwanda, la Tanzanie et la République démocratique du Congo, a connu cinq coups d'État réussis depuis 1965, chacun témoignant de la difficulté de construire un État stable dans un contexte de divisions ethniques profondes et de militaires puissants.

La succession rapide des régimes et l'absence de transition démocratique durable ont contribué à un climat d'instabilité récurrent, faisant du Burundi un exemple frappant de la fragilité institutionnelle dans la région des Grands Lacs.

Les conséquences vont au-delà des palais présidentiels. Chaque renversement s'accompagne de purges militaires, de violences ethniques et de crises sociales qui affectent la population. La répétition des coups d'État a également freiné le développement économique et limité la consolidation d'institutions démocratiques solides.

7. Mali (5 coups d'Etat réussis)

Le véhicule blindé du colonel Assimi Goïta (au centre), président du CNSP (Comité national pour le salut du peuple), arrive aux obsèques de l'ancien président malien, le général Moussa Traoré, à Bamako, le 18 septembre 2020.

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Depuis son indépendance de la France en 1960, le Mali a été marqué par des crises politiques répétées, avec une série de coups d'État militaires qui ont profondément façonné son histoire contemporaine.

Le 19 novembre 1968, le régime de Modibo Keita est renversé par des jeunes officiers, conduits par le lieutenant Moussa Traoré à la suite d'une grogne populaire.

Après la répression d'une manifestation qui a fait plusieurs dizaine de morts, l'ancien lieutenant devenu général est renversé le 26 mars 1991 par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré.

Amadou Toumani Touré surnommé « ATT » installa un comité transitoire pour le salut du Mali. Il organisa en 1992 les premières élections démocratiques de l'histoire du Mali. Ainsi Alpha Oumar Konaré devient le premier président démocratiquement élu.

22 mars 2012 : Le capitaine Amadou Sanogo renverse le président Amadou Toumani Touré, deux mois avant la fin de son deuxième mandat. Le Mali est alors en pleine crise sécuritaire liée à la rébellion touarègue dans le nord du pays et à l'expansion du groupe islamiste Ansar Dine. Ce coup d'État entraîne un vide institutionnel qui précipite la crise malienne et l'occupation du Nord par des groupes armés.

18 août 2020 : Ibrahim Boubacar Keita est renversé

Le colonel Assimi Goïta, soutenu par d'autres officiers, prend le pouvoir et destitue le président IBK, sous pression populaire et face à la détérioration de la sécurité et des conditions économiques. Ce putsch installe un gouvernement militaire de transition.

21 mai 2021 : Assimi Goita renverse le gouvernement de transition qu'il avait aidé à mettre en place et reprend le contrôle du gouvernement. C'est son deuxième coup d'État en moins d'un an. Ce double coup d'État souligne l'instabilité chronique et la difficulté à restaurer une transition démocratique durable au Mali.

8. Niger (5 coups d'Etat réussis)

Le général Abdourahamane Tiani (2e à gauche), chef du régime militaire nigérien, salue la foule de milliers de personnes rassemblées au plus grand stade de Niamey pour le lancement des festivités marquant le premier anniversaire de son arrivée au pouvoir après le coup d'État du 26 juillet 2023 qui a renversé le président civil Mohamed Bazoum.

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Légende image, La junte nigérienne a réuni des milliers de personnes dans la capitale, Niamey, pour célébrer le premier anniversaire de son coup d'État (Photo : 26 juillet 2024).

Le Niger compte cinq coups d'État majeurs depuis 1974, chacun étant lié à une combinaison de crise politique, contestation populaire et pressions militaires.

L'histoire du pays révèle une instabilité structurelle : malgré des périodes de transition démocratique, les militaires interviennent régulièrement comme acteurs décisifs du pouvoir.

Quelques renversements de pouvoir historiques :

15 avril 1974 : Premier coup d'État :

Le lieutenant-colonel Seyni Kountché renverse le président Hamani Diori, accusé de corruption et d'incompétence face à la famine de 1973. Kountché instaure un régime militaire autoritaire qui dure jusqu'à sa mort en 1987.

27 janvier 1999 : Coup d'État et assassinat de Maïnassara

Après l'assassinat du général Ibrahim Baré Maïnassara, un Conseil militaire dirigé par Daouda Malam Wanké prend le pouvoir. Ce putsch prépare le terrain pour un retour à la démocratie, avec des élections organisées la même année.

26 juillet 2023 : Coup d'État contre Mohamed Bazoum

Le président élu Mohamed Bazoum est renversé par le général Abdourahamane Tchiani, chef de la garde présidentielle. Ce coup survient dans un contexte de crise sécuritaire croissante face aux attaques djihadistes et de tensions sociales, et marque le cinquième putsch militaire réussi au Niger depuis l'indépendance.

9. Nigeria (5 coups d'Etat réussis)

Depuis son indépendance en 1960, le Nigéria a connu cinq coups d'État militaires.

Entre 1966 et 1999, le pays a été gouverné sans interruption par un régime militaire, hormis une brève période de retour à la démocratie sous la Deuxième République (1979-1983 ).

Le premier coup d'État date du 15 janvier 1966. Le lieutenant-colonel Chukwuma Kaduna Nzeogwu et un groupe d'officiers orchestrent le premier coup d'État militaire du Nigeria.

Le président élu, Nnamdi Azikiwe, et le Premier ministre, Sir Abubakar Tafawa Balewa, sont renversés, et plusieurs dirigeants politiques sont assassinés. Ce putsch échoue partiellement : le nord du pays reste sous contrôle loyaliste, mais il inaugure une longue série d'interventions militaires dans la vie politique nigériane. Le coup exacerbe les tensions ethniques, particulièrement entre les régions du Nord, dominées par les Haoussas, et le Sud, où les Igbo sont majoritaires.

Le dernier coup d'État remonte à 1993, et aucune autre tentative significative n'a eu lieu sous la Quatrième République , qui a rétabli le multipartisme en 1999.

10. Guinée Bissau (4 coups d'état réussis)

La Guinée-Bissau, petit pays d'Afrique de l'Ouest, reste profondément marquée par l'instabilité politique depuis son indépendance. Quatre coups d'État réussis ont jalonné son histoire, confirmant le rôle central des putschs dans l'exercice du pouvoir.

Ces quatre coups d'État réussis s'inscrivent dans un cycle plus large : seize tentatives de putsch et une guerre civile majeure depuis l'indépendance. L'histoire politique de la Guinée-Bissau montre que les interventions militaires restent un instrument central du pouvoir, minant les efforts de démocratisation et de développement.

Le nouveau coup d'État de novembre 2025 rappelle que, malgré des périodes d'accalmie, l'instabilité demeure profondément ancrée dans le pays.

Qu'est ce qu'un coup d'état ?

Un coup d'État peut être défini comme une tentative illégale et manifeste, menée par l'armée ou par d'autres responsables civils, de destituer les dirigeants en place.

Une étude menée par deux chercheurs américains, Jonathan Powell et Clayton Thyne, a recensé plus de 200 tentatives de ce type en Afrique depuis les années 1950. Environ la moitié d'entre elles ont été couronnées de succès.

De nombreux pays d'Afrique occidentale et centrale ont connu plusieurs coups d'État réussis. Environ la moitié des 17 pays qui ont connu au moins quatre coups d'État réussis se trouvent en Afrique de l'Ouest.

Seul un tiers des pays africains, principalement en Afrique de l'Est et en Afrique australe, n'ont jamais connu de coups d'État réussis.

La période 2020–2023 a marqué un retour spectaculaire des putschs en Afrique. Contrairement aux décennies 1960–1980, les nouveaux putschistes s'appuient sur une popularité sociale, notamment au Sahel, où les armées prétendent répondre à l'insécurité et à la corruption. La contestation des influences étrangères devient aussi un argument récurrent.

Les coups d'Etat reposent moins sur des rivalités internes entre généraux des armées, et davantage sur des crises sécuritaires, des frustrations sociales et populaires ou des contestations électorales.