Ces personnes qui risquent leur vie pour sauver les patients atteints de Covid-19

Gabriela holding the hand of a patient during her final hours

Crédit photo, Gabriela Serano

Légende image, Les infirmiers tiennent souvent compagnie aux patients en fin de vie pour les réconforter dans leur derniers instants
    • Author, Swaminathan Natarajan
    • Role, BBC World Service

Avec plus de 4 millions de cas signalés dans le monde et des hôpitaux au bord de l'effondrement dans de nombreux pays, la pandémie de Covid-19 a mis en lumière le travail accompli par les infirmières. Elles lavent et nettoient les malades. Elles nourrissent leurs patients et surveillent leurs signes vitaux.

Pourtant, dans de nombreuses régions du monde, les soins infirmiers restent un travail mal payé et peu reconnu.

La BBC s'est entretenue avec quatre infirmières travaillant sur quatre continents différents, afin de connaître les défis auxquels elles sont confrontées dans la lutte contre le Covid 19.

Maintenant, tout le monde sait ce que nous faisons

Maria Moreno Jiménez in protective gear

Crédit photo, Maria Moreno Jimenez

Légende image, Certains collègues de María Moreno Jiménez ont été infectés par le Covid-19

"Le virus était super agressif et super rapide. Nous n'avons pas eu le temps de nous préparer et de planifier", explique l'infirmière espagnole María Moreno Jiménez. Moreno Jiménez, 32 ans, travaille à l'unité de soins intensifs (USI) de la Clinique hospitalière de Barcelone.

Après que le coronavirus a commencé à se propager de manière mortelle dans sa ville en mars, María et son équipe ont suivi une formation de deux heures sur l'utilisation des équipements de protection individuelle et se sont lancés peu après sur la ligne de front.

"J'ai vu mon premier patient atteint de covid 19 à la mi-mars. Il avait soixante-dix ans", a-t-elle déclaré à la BBC.

Un mois de soins et de traitement lui a sauvé la vie.

"Quand je l'ai vu dans une salle de réveil, j'étais très heureuse. Je lui ai dit que j'étais celle qui s'était occupée de lui aux soins intensifs. Le patient ne comprenait pas bien", raconte María.

La plupart des patients étaient sous sédatifs dans l'unité de soins intensifs et ceux qui y passent plusieurs jours pouvaient être dans un état de confusion pendant leur convalescence.

"Ce n'est pas comme dans les films, où les patients s'émeuvent et disent merci. Ils [les patients qui sortent de l'USI] ne sont pas les mêmes qu'avant leur admission, ils ne se souviennent pas de grand-chose et ne parlent pas beaucoup", explique Maria.

"J'étais très heureuse de savoir qu'il rentrait chez lui", confie-t'elle.

María and her husband

Crédit photo, Maria Moreno Jimenez

Légende image, María et son mari avaient peur de se contaminer

Le mari de María est également infirmier dans le même hôpital. Certains de leurs collègues ont été infectés par le Covid-19, bien que, heureusement, personne ne soit mort et que certains soient encore en convalescence.

Après que l'Espagne a imposé un confinement strict, les gens ont pris l'habitude de sortir sur leur balcon et d'applaudir le personnel soignant.

"En Espagne, on a fortement tendance à associer les soins de santé aux seuls médecins. Les gens remercient les médecins, mais ils oublient les infirmières", déclare Maria.

Elle espère que cela va changer après la pandémie.

"Seuls ceux qui ont été hospitalisés ont compris notre travail. Maintenant, tout le monde sait ce que nous faisons. Ce serait vraiment bien si les gens appréciaient notre travail. Je pense que l'une des choses que les gens pourraient faire pour nous reconnaître est de se souvenir et de citer nos noms", dit Maria.

Ils avaient plus de 70 ans et ils ont survécu

Gabriela Serrano, une infirmière travaillant aux États-Unis, a de bons souvenirs du jour où elle a vu sortir son premier patient de Covid-19.

"Elle était si heureuse quand je l'ai fait sortir de l'hôpital en fauteuil roulant. Elle m'a dit : "C'est si bon de voir le soleil briller et de respirer de l'air frais", se souvient Gabriela.

Gabriela Serrano with protective equipment

Crédit photo, Gabriela Serrano

Légende image, Gabriela Serrano déclare que les deux patients atteint de Covid-19 dont elle s'est occupés ont guéri

Gabriela Serrano est infirmière depuis sept ans. Pendant la pandémie, elle a travaillé dans un hôpital de la banlieue de San Francisco.

"Les deux patients de Covid-19 dont je m'occupais avaient des problèmes de santé sous-jacents et avaient plus de 70 ans. Pourtant, ils ont réussi à survivre. Cela me donne de l'espoir", témoigne-t'elle.

Pourtant, Gabriela, 31 ans, a vécu trois décès non dus à un coronavirus au cours des deux derniers mois. Elle a décrit comment elle avait pris soin d'une femme mourante.

Gabriela Serrano

Crédit photo, Gabriela Serrano

Légende image, Gabriela a perdu son travail comme les gens ne viennent à l'hôpital que pour les urgences

"Elle était un peu réactive le premier jour, mais elle était non verbale. Je lui ai expliqué tout ce que je lui faisais, même si elle n'était pas capable de me répondre", raconte l'infirmière. Le lendemain, la patiente n'ouvrait même pas les yeux. L'hôpital a autorisé une visite de la famille pendant ses dernières heures. Malheureusement, elle n'avait pas de famille proche et sa meilleure amie a choisi de rester loin de l'hôpital.

"Je me suis assise avec elle, lui ai tenu la main et lui ai dit que tout irait bien. J'étais là. Elle avait quelqu'un avec elle. Je ne sais pas si elle pouvait m'entendre à ce moment-là, mais c'était le mieux que je pouvais faire pour elle" , dit Gabriela.

Son dur labeur n'a pas sauvé son emploi. Elle est infirmière intérimaire, comme on appelle ceux qui travaillent avec des contrats à court terme.

Les admissions de patients sont en baisse, car les gens craignent de contracter le virus et beaucoup restent loin des hôpitaux pour tout traitement non urgent, si bien que l'hôpital où elle travaillait a décidé de supprimer son poste.

"Je suis assez optimiste quant à la possibilité de trouver un emploi dans un mois. Je prendrai ce que je peux obtenir", a-t'elle déclaré.

Une peur généralisée

"Les gens ont vraiment peur d'entrer en contact avec nous. Mais c'est bien, parce que maintenant tout le monde est en danger", dit Osmond Cellestin Manda, qui travaille comme infirmier en Tanzanie.

Osmond in his hospital

Crédit photo, Osmond Cellestin Manda

Légende image, Osmond déclare que les gens ont peur des agents de santé

Le jeune homme de 28 ans travaille à l'unité de soins intensifs néonatals de la plus grande ville de Tanzanie, Dar es Salaam. Son hôpital recherche la présence de Covid-19 chez les patients et transfère les cas suspects vers une installation de quarantaine.

Osmond affirme que la peur est généralisée, malgré les mesures préventives mises en place à l'hôpital et la campagne de sensibilisation en cours.

"Il y a quelques jours, une femme a accouché. Le nouveau-né souffre de problèmes respiratoires et se trouve dans l'unité de soins intensifs. Le père n'est pas venu voir sa femme et son bébé de peur d'être infecté par le Covid-19", déclare-t'il.

Les infirmières apportent un soutien émotionnel à la mère.

Le nombre officiel de décès dans le pays est à peine supérieur à 20, mais les informations venues des autres pays ont jeté le doute sur ces chiffres.

Osmond affirme que tout le monde fait de son mieux pour éviter le virus.

Osmand holding a new-born

Crédit photo, Osmond Cellestin Manda

Légende image, Osmond Cellestin Mand travaille comme infirmier en Tanzanie

"Certains de nos employés ont envoyé leurs familles dans leurs villages", raconte Osmand qui vit actuellement dans la famille de son frère et souhaite trouver un endroit à lui pour minimiser les risques de propagation de la maladie.

Travailler avec les communautés

"Le 24 mars, nous avons eu notre premier cas positif de Covid-19. J'ai immédiatement pensé à deux patients autochtones dans mon hôpital. Je leur ai demandé de partir", dit Shanti Teresa lakra.

Cette infirmière s'est fait un nom en fournissant des services de santé aux groupes autochtones en train de disparaître rapidement dans les îles indiennes Andaman et Nicobar.

Shanti Teresa lakra

Crédit photo, Shanti Teresa lakra

Légende image, Shanti Teresa Lakra

Elle s'occupait d'un garçon de 5 ans de la tribu Jarawa atteint de pneumonie, ainsi que d'une femme de la tribu Shompen qui cherchait un traitement contre la stérilité.

Les Jarawas n'ont eu leurs premiers contacts avec le monde extérieur qu'en 1997.

Les chasseurs-cueilleurs nus vivent dans une réserve forestière à environ 80 km de Port Blair, où Shanti travaille maintenant.

Some Jarawas sample honey from a honey stock

Crédit photo, Getty Images

Légende image, La communauté Jarawa a été decimée et compte moins de 500 membres

Une semaine après que le garçon est sorti de l'hôpital, elle s'est rendue dans la zone forestière pour le surveiller.

"Il s'était complètement remis. Comme je peux parler un peu leur langue, je leur ai dit de d'aller la jungle et d'y rester", raconte-t'elle.

L'isolement a servi de bouclier à ces groupes autochtones pendant des milliers d'années, mais l'expansion des colonies au cours du siècle dernier a décimé leur population.

Selon Shanti, la tribu Jarawa compte actuellement quelque 450 membres.

"Leur immunité est faible. Une seule personne infectée peut menacer toute la population", estime Shanti Teresa.

L'infirmière dit que son hôpital reprendra le traitement de fertilité de la femme Shompen après la pandémie. Les Shompen sont également des chasseurs-cueilleurs sur l'île de Great Nicobar, et leur population est similaire en taille à celle des Jarawas.

Shanti Teresa lakra standing in front of a building

Crédit photo, Shanti Teresa lakra

Légende image, Le travail de Shanti avec les communautés Jarawa est bien reconnu

Shanti, 48 ans, a appris le métier d'infirmière après avoir rejoint le ministère indien de la santé et travaille maintenant comme auxiliaire et sage-femme.

Elle a reçu le prix Florence Nightingale, la plus haute reconnaissance professionnelle pour les infirmières en Inde.

"Je rendrai visite à la famille Jarawa quand il sera possible de le faire en toute sécurité", dit-elle.