Fin du confinement : comment le monde se prépare?

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Il ne s'agira pas d'un retour à la vie telle que nous la connaissions, mais les mesures de déconfinement sont certainement un soulagement pour le public et les entreprises après plusieurs semaines de restrictions.
Le Covid-19 a touché différentes parties du monde de différentes manières, les stratégies de sortie varient donc d'une ville à l'autre.
Pourtant, la plupart des pays sont confrontés aux mêmes défis. Nous examinons ici certains aspects critiques à l'approche de la fin du confinement.
Éviter les deuxièmes vagues de contamination
Les scientifiques ont mis en garde les autorités contre le risque de mettre fin trop tôt aux mesures de confinement, car cela pourrait entraîner une deuxième vague d'infections par le nouveau coronavirus.
"De nombreux pays voient le nombre de cas et de décès se stabiliser après deux à trois semaines de confinement", explique Pushan Dutt, professeur d'économie à l'Insead Business School.

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"Mais ce n'est peut-être qu'un semblant de normalité. Singapour est le meilleur exemple". Singapour a connu un nouveau pic de cas confirmés après avoir assoupli les mesures draconiennes qu'il avait imposées lorsqu'il est devenu le pays le plus touché par le Covid-19 en dehors de la Chine, fin février.
La ville-État a signalé 3 000 nouveaux cas en seulement 3 jours à la mi-avril - et a ensuite rétabli un confinement jusqu'au 1er juin.
Le Japon a également connu une deuxième vague dans le nord du pays.
La ville d'Hokkaido a mis en place un deuxième dispositif de confinement, après avoir levé le premier lorsque le nombre de nouvelles infections a atteint zéro, le 17 mars.
Chercher à éviter une deuxième vague est la préoccupation centrale des plans de déconfinement de nombreux pays.
L'Italie, par exemple, assouplit sa période de confinement de sept semaines en autorisant la réouverture des restaurants et des bars, mais uniquement pour les plats à emporter.

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Si les parcs ont également rouvert, les règles de distanciation sociale seront toujours appliquées.
"Nous ne devons pas prendre de décisions hâtives", a déclaré la semaine dernière Domenico Arcuri, commissaire italien chargé des coronavirus.
"Le virus est toujours parmi nous - pas tout à fait aussi massivement, mais toujours présent" a-t'il ajouté.
Des tests de grande ampleur, ainsi que le suivi des personnes qui ont été en contact avec des cas confirmés de Covid-19, se sont avérés efficaces dans les pays asiatiques qui ont été touchés plus tôt par l'épidémie.

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Ces mesures sont donc reprises dans d'autres pays à ce stade, dans le cadre des tentatives de surveillance d'une éventuelle seconde vague.
Comment relancer l'économie ?
L'une des principales raisons de l'assouplissement des mesures de confinement est l'urgence d'atténuer l'impact de la pandémie sur l'économie.
Des petites entreprises aux grands conglomérats, les pertes ont été considérables. Le Fonds monétaire international (FMI) s'attend à ce que l'économie mondiale se contracte de 3 % en 2020, selon les estimations d'avril.
Trois mois avant le passage de Covid-19, les prévisions annonçaient une croissance de 6 %.
L'Organisation internationale du travail (OIT) estime que 1,6 milliard de travailleurs dans les secteurs formel et informel sont confrontés à un avenir incertain, car 430 millions d'entreprises sont exposées à des "risques élevés de perturbations graves".

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Il n'est donc pas surprenant que les gouvernements du monde entier aient mis en place des mesures d'aide pour les travailleurs et les entreprises. Dans les pays du G-20, l'ampleur des financements représente de 0,7 % du PIB au Mexique à plus de 21 % au Japon.
Et les gouvernements ont également fixé des règles pour le fonctionnement quotidien des entreprises après la réouverture.
L'Allemagne, par exemple, a publié des conseils spécifiques pour différentes entreprises, des usines aux salons de coiffure.
Cela fonctionnera-t-il ?
Cela semble difficile à prévoir. Gita Gopinath, directrice de la recherche au FMI, estime que l'économie mondiale devrait être touchée à hauteur de 9 000 milliards de dollars - et c'est le scénario le plus optimiste.
"L'ampleur et la rapidité de l'effondrement de l'activité économique qui va venir sont sans précédent dans notre vie", a écrit Gopinath sur le blog du FMI.

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Reprendre le travail
Comme la plupart des travailleurs du monde ne peuvent pas travailler à domicile, les gouvernements sont de plus en plus sollicités pour lever les restrictions.
Le Bangladesh est un cas de pays où le lobbying a fonctionné et où des mesures de déconfinement sont déjà appliquées. Des centaines d'usines de l'industrie textile, qui contribuent de manière essentielle à l'économie du pays, ont rouvert leurs portes la dernière semaine d'avril, malgré la prolongation du confinement au niveau national par le gouvernement jusqu'à la mi-mai.
Deuxième exportateur mondial de vêtements, le Bangladesh a vu ses 4 500 usines connaître des difficultés suite à l'annulation de commandes en provenance d'Europe et d'Amérique du Sud.

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"Plus de deux millions d'ouvriers d'usines de vêtements pourraient perdre leur emploi", a averti Rubana Huq, président de l'Association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh.
Et l'on craint que les industries du monde entier ne soient pas en mesure d'appliquer les règles de distanciation sociale ou de fournir à leurs travailleurs des équipements de protection individuelle appropriés.
La Belgique est un exemple de pays qui compte sur plus que la bonne volonté pour s'assurer que les travailleurs observent la distanciation sociale : les employés du port d'Anvers, l'un des plus actifs au monde, participeront à un essai d'un bracelet qui émet un bip si quelqu'un s'approche de l'utilisateur et enfreint la règle de distanciation de 2 mètres. Les données du bracelet pourraient également être utilisées pour identifier et suivre les contact d'un travailleur est infecté.

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Des initiatives similaires sont en cours d'expérimentation aux États-Unis.
Mais la fermeture n'a pas seulement paralysé les usines et les services : le secteur agricole est également confronté à un effet de cascade déclenché par la pénurie de main-d'œuvre, qui affecte la chaîne d'approvisionnement "de la ferme à l'assiette".
En Inde, la première vague de la précieuse récolte de Darjeeling des planteurs de thé a été totalement perdue et l'on craint pour la seconde. Et il n'y a pas que le thé : des récoltes ont été perdues partout dans le monde, la pandémie ayant ralenti les capacités de cueillette.
Les économies qui dépendent de l'agriculture cherchent des moyens d'assouplir les mesures de confinement afin de permettre aux producteurs de sauver les récoltes.
Elles cherchent également à normaliser le flux international habituel de main-d'œuvre dans le secteur, même si cela ne se fera que progressivement.
Comment rouvrir les écoles

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Les fermetures d'écoles ont été l'une des mesures les plus répandues en réponse à la pandémie.
Selon l'Unesco, l'agence des Nations unies pour l'éducation, 170 des 193 pays membres des Nations unies avaient suspendu l'ensemble de leur système éducatif à la fin du mois d'avril. On estime que 1,3 milliard d'élèves dans le monde ont été touchés par ces fermetures.
Certains pays ont maintenant commencé à rouvrir des écoles et ont introduit des mesures pour assurer la sécurité des élèves et du personnel.
Ces mesures vont de la limitation temporaire de la taille des classes à l'accueil de certaines classes seulement (au Royaume-Uni, les élèves des 10e et 12e années reviendront les premiers, car ils doivent passer des examens prochainement), en passant par l'application d'une stricte distanciation sociale.

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Dans une école primaire de la ville chinoise de Hangzhou, les enfants ont été équipés de chapeaux spéciaux pour les inciter à respecter la distanciation sociale.
Des contrôles de température ont été mis en place dans les écoles du Vietnam, tandis que la Norvège a établi des horaires décalés pour que les parents viennent déposer et chercher les enfants. Le Danemark voisin a également établi des règles pour les récréations : les enfants peuvent se réunir en groupes de six personnes maximum à tout moment.
Certains scientifiques ont exprimé leur inquiétude quant à la réouverture des écoles après qu'une étude ait suggéré que les enfants pourraient être des vecteurs de transmission de la maladie au même titre que les adultes.
Mais les spécialistes de l'éducation soulignent que la reprise de la vie scolaire présente des avantages évidents pour la bonne éducation et la santé mentale des enfants.
"L'augmentation des inégalités, les mauvais résultats en matière de santé, la violence, le travail des enfants et le mariage des enfants ne sont que quelques-unes des menaces à long terme pour les enfants qui ne vont pas à l'école", a déclaré Henrietta Fore, directrice du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef), dans une déclaration.
Se déplacer

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Les personnes vivant dans les zones urbaines, où la densité de population est plus élevée, ont été plus vulnérables à la propagation du virus.
Ainsi, alors que les mesures de confinement prennent fin, certaines des dispositions les plus urgentes visent à contrôler la manière dont la vie quotidienne va reprendre dans les grandes villes du monde.
De nombreux pays sont encore réticents à assouplir les restrictions concernant les lieux de rassemblement, tels que les restaurants, les pubs et les théâtres.
En Thaïlande, les restaurants qui ne peuvent pas assurer une distance de sécurité entre les clients sont tenus d'installer des barrières de protection près des tables. Des aménagements similaires de cabines et de panneaux de séparation sont envisagés dans d'autres parties du monde. Pour alléger la pression sur les transports publics, où la distanciation sociale sera difficile à mettre en oeuvre, certaines villes explorent d'autres solutions.
À Milan, ville durement touchée, de nouvelles pistes cyclables temporaires ont été créées cette semaine, alors que les ouvriers du bâtiment et des usines reprennent le travail.
Ils sont venus avec un message du maire : "sSi vous habitez à un kilomètre de votre bureau, vous pouvez marcher ou faire du vélo. C'est bon pour nous, et pour vous".
Par ailleurs, d'autres villes envisagent de maintenir les mesures introduites lors du confinement pour limiter la circulation des véhicules motorisés, ce qui a rendu les rues plus agréables pour les piétons et les cyclistes.
C'est le cas de Bogota, par exemple. La capitale colombienne était déjà une ville très accueillante pour les cyclistes avant que le Covid-19 ne frappe, avec ses 550 km de pistes cyclables - plus que toute autre ville d'Amérique latine.
Mais la propagation de la maladie a conduit à la création de pistes cyclables supplémentaires, pour éviter l'encombrement des transports publics.
Le gouvernement local a déclaré que ces voies seraient interdites aux voitures, et que 45 km de pistes cyclables supplémentaires seraient créés d'ici la fin avril. "Au cours des deux dernières décennies, nous avons essayé de lutter contre l'usage des voitures particulières", a déclaré au journal El Tiempo Nicolás Estupiñán, secrétaire à la mobilité de Bogota.
"Nous devons chercher des alternatives. Le vélo est une option", a-t'il ajouté.
À Paris, la maire Anne Hidalgo tient également à ne pas revenir au statu quo antérieur une fois que le confinement national sera atténué en France, le 11 mai.
"Je dis avec fermeté qu'il est hors de question que nous nous laissions envahir par les voitures, et par la pollution", a-t-elle déclaré.
Elle a en tête un plan d'aménagement "hyperlocal" pour faire de Paris une "la ville du quart d'heure" : en un mot, une ville où les habitants peuvent couvrir tous leurs besoins en marchant à 15 minutes de leur porte. Des plans similaires avaient été mis en place dans d'autres parties du monde avant la pandémie de Covid-19. Il est maintenant plus probable que ces modèles hyperlocaux seront envisagés sérieusement, lorsque les villes concevront leurs plans post-pandémie.
"Peut-être que dans les mégalopoles, il faut créer de petites entités nucléaires", a déclaré Elvis Garcia, expert en santé publique et professeur à la Graduate School of Design de Harvard, à BBC Future.
De nouvelles façons de prier ?

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Les rassemblements religieux ont également été fortement affectés par les mesures de confinement. La propagation du virus a perturbé le calendrier religieux de nombreuses confessions. Il a frappé le christianisme et le judaïsme pendant les fêtes de Pâques chrétiennes et juives, l'une des plus importantes célébrations annuelles des deux religions.
Les festivals marquant le nouvel an bouddhiste en Asie du Sud-Est ont été annulés.
La pandémie de Covid-19 pourrait également provoquer la suspension du pèlerinage annuel du Hadj, un événement qui attire quelque 2 millions de personnes en Arabie saoudite chaque année en juillet.
Mais certains pays tentent de normaliser autant que possible la fréquentation des événements religieux. L'Iran vient d'annoncer la réouverture de mosquées dans environ un tiers du pays, dans des zones que les autorités sanitaires considéraient comme exemptes de coronavirus.
Mais le président Hassan Houssani, s'exprimant à la télévision nationale, a fait une déclaration forte sur la manière dont les fidèles doivent se comporter.
"La distanciation sociale est plus importante que la prière collective", a-t-il déclaré.

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Coincés à la maison, de nombreux groupes religieux se sont retrouvés en ligne pour pratiquer leur foi. Cela pourrait continuer même après la levée du confinement, selon les experts.
En Italie, par exemple, le gouvernement n'a pas autorisé la réouverture des églises à ce stade - une décision qui a provoqué la colère des religieux dans tout le pays. "Les évêques italiens ne peuvent pas accepter de voir l'exercice de la liberté religieuse compromis", a déclaré la Conférence épiscopale italienne dans un communiqué le 26 avril.
La controverse a gagné le Vatican et le pape François a demandé la "prudence".
"Alors que nous commençons à avoir des protocoles pour sortir de la quarantaine, prions que le Seigneur donne à son peuple, à nous tous, la grâce de la prudence et de l'obéissance aux règles afin que la pandémie ne revienne pas", a déclaré le leader catholique.












