Soumaila Cissé: ce qu'il faut savoir des trois mois de captivité du chef de l'opposition malienne

    • Author, Ndèye Khady LO
    • Role, Senior Journaliste/Digital

25 mars 2020-25 juin 2020. Cela fait trois mois que le leader de l'opposition malienne, Soumaila Cissé a été kidnappé dans le centre du pays par des hommes armés. L'homme politique de 71 ans est toujours entre les mains de ses ravisseurs et ses proches craignent qu'il ne lui arrive malheur. Retour sur cet enlèvement sans précédent d'une personnalité politique depuis le début de la crise au Mali.

Demba Traoré, secrétaire à la communication de l'Union pour la république et la démocratie (URD) parti de Soumaila Cissé est très inquiet. Quand il raconte le film du kidnapping tel que rapporté par les témoins, des membres de la délégation de leur formation politique qui se rendait avec Soumaila Cissé à Koumaira, dans la région de Tombouctou (Centre du pays), l'avocat ne cherche pas ses mots. "J'ai l'habitude de répondre à ce genre de questions. Notre leader est en otage depuis trois mois et nous ne savons pas où il se trouve. Ses ravisseurs n'ont pas revendiqué le rapt. Nous sommes inquiets", déclare-t-il à BBC Afrique.

Comment a-t-il été kidnappé ?

A la tête d'une délégation de 16 personnes se rendant à Koumaira, dans le Cercle de Niafounké, Soumaila Cissé et ses accompagnants sont attaqués le 25 mars entre 16h et 17h par des hommes armés qui les ont kidnappés. Les autres membres de la délégation sont libérés quelques jours après. Mais lui est encore entre les mains de ses ravisseurs. « Son garde du corps a été tué lors de la prise d'otages. Cela témoigne de la violence de l'attaque », commente M. Traoré.

Amadou Kolossi, le maire de Koumaira, la ville où M. Cissé devait présider un meeting a, lui aussi, été kidnappé après Soumaila Cissé. Mais il a été libéré le 10 mai.

"Il est la dernière personne qui nous a transmis des informations provenant des ravisseurs. Il nous dit que le président Cissé est traité avec respect et qu'il est en bonne santé. Toutefois, Amadou Kolossi n'a pas vu M. Cissé", révèle Demba Traoré.

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Qui est Soumaila Cissé?

Chef de file de l'opposition malienne, Soumaila Cissé, 71 ans, a été ministre entre 1993 et 2002 et trois fois candidat à la présidence de la République du pays. Président de la Commission de janvier 2004 à août 2011, il est le principal challenger du président actuel Ibrahim Boubacar Keita (IBK) depuis son élection en 2011. Originaire de Tombouctou, il a été enlevé à quatre jours des élections législatives. Malgré son kidnapping, il a été élu dès le premier tour des élections.

"C'est un grand coup porté à la démocratie. Enlever le chef de file de l'opposition en pleine campagne au moment où toutes les garanties de sécurité étaient données par l'Etat malien. Tant que nous ne voyons pas notre président libre, nous avons l'impression que cela ne bouge pas", explique M. Traoré.

Que fait le gouvernement malien ?

Une cellule de crise a été mise en place par le gouvernement malien. Il est présidé par Ousmane Issoufi Maiga, ancien Premier ministre et chef de la cellule de crise chargée de négocier la libération de Soumaïla Cissé, ancien Premier ministre malien. Ce comité a pour mission, selon le gouvernement, "d'assurer la coordination de l'ensemble des actions en vue de la libération du chef de file de l'opposition politique".

Le jour des législatives, quatre jours après le rapt, le président Ibrahim Boubacar Kéita assurait : "nous souhaitons de tout cœur que Soumaïla Cissé retrouve très vite la liberté. Nous ne ménagerons aucun effort pour obtenir sa libération".

"Le premier vice-président de notre parti l'URD est membre de cette cellule", indique le secrétaire à la communication de l'URD.

Preuve de vie

"Soumaïla Cissé est en vie". C'est l'annonce faite par le président malien Ibrahim Boubacar Keïta le 16 juin dernier.

IBK révèle aussi que les autorités détiennent des "preuves de vie". "Nous connaissons ses ravisseurs. Et s'il plaît à Dieu, il reviendra bientôt", a dit le chef de l'Etat devant des responsables et des membres de la société civile.

Toutefois, cette déclaration ne semble pas satisfaire tout le monde. Mohamed Amara, sociologue malien pense que dans cette affaire « un point de non-retour a été atteint.

"Ces preuves de vie arrivent malheureusement trop tard et le point de non-retour a été atteint. Loin de rassurer, cela a plutôt accentué le climat de suspicion. Aujourd'hui les Maliens ont besoin de choses concrètes et visibles, ils ne croient plus les politiques. Si ces preuves de vie existent, alors il faut les montrer. Pour le moment ça reste du discours", déplore le sociologue.

Appel à sa libération

Plusieurs personnalités africaines et de la diaspora, hommes politiques, intellectuels, membres de la société civile appellent à sa libération sans condition.

L'Assemblée parlementaire de la Francophonie, le Parlement panafricain et l'Union parlementaire africaine lancent un appel aux autorités maliennes et aux forces de maintien de la paix comme la Minusma et Barkhane, afin qu'elles multiplient leurs efforts pour sa libération.

"L'enlèvement de Soumaïla Cissé risque de créer des précédents graves et préjudiciables à l'entrave de l'exercice de parlementaires ou bien d'hommes politiques. Je souhaite vivement que les autorités maliennes puissent s'investir davantage pour la libération de Soumaïla Cissé dont la famille doit vivre des moments très difficiles actuellement", affirme Roger Nkodo Dang, président du Parlement panafricain

Même le pasteur baptiste américain Jesse Jackson, a appelé à sa libération dans un message personnel adressé au Président IBK.

"J'exhorte S.E. Ibrahim Boubacar Keita, président de la République du Mali, les leaders communautaires et religieux, à travailler ensemble et à redoubler d'efforts afin d'obtenir la libération pacifique de M. Cissé", écrit le militant des droits civiques aux Etats-Unis.