Migration : le Royaume-Uni va donner aux demandeurs d'asile un billet aller-simple pour le Rwanda

Certains demandeurs d'asile qui traversent la Manche pour se rendre au Royaume-Uni se verront offrir un aller simple pour le Rwanda, selon les nouveaux plans du gouvernement.

Le programme pilote d'immigration concernera principalement des hommes célibataires arrivant sur des bateaux ou des camions.

Le Premier ministre Boris Johnson affirme que ce projet de 120 millions de livres sterling (94 790 504 000 FCFA) permettra de "sauver d'innombrables vies" de la traite des êtres humains.

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Les organisations de réfugiés ont critiqué ce plan, le qualifiant de cruel, et ont remis en question son coût et son impact, tout en exprimant des inquiétudes quant à la situation des droits de l'homme au Rwanda.

M. Johnson a déclaré qu'il fallait agir pour empêcher les "ignobles passeurs" de transformer l'océan en un "cimetière aquatique", le plan étant conçu pour briser leur modèle économique.

"Notre compassion est peut-être infinie, mais notre capacité à aider les gens ne l'est pas", a-t-il déclaré. "Nous ne pouvons pas demander au contribuable britannique de signer un chèque en blanc pour couvrir les frais de toute personne qui voudrait venir vivre ici."

Ceux qui parviennent à se rendre au Royaume-Uni "ne seront pas emmenés dans des hôtels aux frais de l'État", a déclaré le Premier ministre, mais seront logés dans des centres de détention.

S'exprimant dans le Kent, il a déclaré que le nouveau plan "s'avérerait à terme très dissuasif".

Le chef du parti travailliste, Sir Keir Starmer, a qualifié le projet d'"irréalisable" et d'"exorbitant", affirmant qu'il s'agissait d'une tentative de détourner l'attention de l'amende "partygate" de M. Johnson.

L'année dernière, 28 526 personnes ont traversé le pays à bord de petits bateaux, contre 8 404 en 2020. Environ 600 personnes ont effectué la traversée mercredi - le chiffre pourrait atteindre 1 000 par jour dans les semaines à venir, a déclaré M. Johnson.

Le nombre de personnes pouvant être relocalisées sera "illimité", a déclaré M. Johnson.

Le Rwanda aura la "capacité de réinstaller des dizaines de milliers de personnes dans les années à venir", y compris celles qui sont arrivées "illégalement" depuis le début de l'année, a-t-il ajouté.

"Nous ne pouvons pas soutenir un système illégal parallèle", a déclaré le Premier ministre. "Notre compassion est peut-être infinie, mais notre capacité à aider les gens ne l'est pas".

La ministre de l'Intérieur Priti Patel, qui s'est rendue à Kigali, la capitale rwandaise, pour signer l'accord, a déclaré qu'il s'agissait d'une "première mondiale et qu'elle allait changer la façon dont nous nous attaquons collectivement à la migration illégale".

Elle a déclaré que la "grande majorité" des personnes arrivant "illégalement" au Royaume-Uni pourraient être relocalisées au Rwanda.

Selon une étude récente d'Ipsos Mori, 60 % des citoyens sont mécontents de la politique migratoire du gouvernement - plus de la moitié d'entre eux citant les traversées de la Manche.

Rédacteur en chef de la BBC, Mark Easton, en reportage pour au Rwanda, a déclaré que les ministres seraient confrontés à des obstacles juridiques et à des coûts substantiels pour lancer le projet.

Les détails précis du plan doivent encore être confirmés, mais il a précisé que l'essai serait limité à des hommes célibataires pour la plupart.

Dans le cadre de cette proposition, le Rwanda prendrait en charge les personnes qui ont fait un voyage de plus de 6 000 km, les soumettrait à une procédure d'asile et, à la fin de cette procédure, en cas de succès, leur offrirait un hébergement à long terme au Rwanda.

La BBC a vu les logements dans lesquels les demandeurs d'asile seraient hébergés, qui devraient avoir suffisamment d'espace pour accueillir une centaine de personnes à la fois et traiter jusqu'à 500 personnes par an.

Le gouvernement rwandais a déclaré que les migrants auraient "droit à une protection totale en vertu de la législation rwandaise, à l'égalité d'accès à l'emploi et à l'inscription aux services de santé et aux services sociaux".

Le ministère britannique de l'intérieur estime que la législation existante en matière d'asile sera suffisante pour mettre en œuvre le plan, mais des questions subsistent quant à sa légalité.

M. Johnson a déclaré que le plan était "entièrement conforme" au droit international, mais a reconnu qu'il s'attendait à ce qu'il soit contesté devant les tribunaux et par une "formidable armée d'avocats motivés par la politique".

La directrice générale de la Croix-Rouge britannique, Zoe Abrams, a déclaré que le réseau humanitaire était "profondément préoccupé" par ce projet et que "le coût financier et humain sera considérable".

Enver Solomon, directeur général du Refugee Council, a déclaré que l'organisation caritative était "consternée par la décision cruelle et désagréable du gouvernement", qui, selon lui, "ne fera pas grand-chose" pour dissuader les gens de venir au Royaume-Uni.

Miranda Butler, avocate spécialisée dans le droit de l'immigration, a déclaré qu'il y avait de "sérieuses questions" sur les risques encourus par les migrants dans le cadre de ce "processus accéléré".

Les Lib Dems ont déclaré que le gouvernement "claquait la porte" au nez des réfugiés, tandis que Ian Blackford, du SNP, a décrit le plan comme "absolument effrayant".

Des questions ont été soulevées quant au bilan du gouvernement rwandais et de son président, Paul Kagame, en matière de droits de l'homme.

L'année dernière, le gouvernement britannique a fait part aux Nations unies de ses inquiétudes quant aux "restrictions continues des droits civils et politiques et de la liberté des médias" au Rwanda.

Mais M. Johnson a décrit le Rwanda comme l'un des pays les plus sûrs au monde.

D'autres pays - dont l'île de l'Ascension et Gibraltar - ont également été envisagés.

Le Premier ministre a également annoncé :

  • Les demandeurs d'asile qui sont réinstallés au Royaume-Uni seront répartis plus équitablement entre les autorités locales.
  • Des projets visant à confier le contrôle opérationnel de la Manche à la Royal Navy.
  • un financement de 50 millions de livres pour de nouveaux équipements et du personnel spécialisé pour les opérations en Manche
  • Une nouvelle installation gouvernementale pour héberger les migrants, décrite comme un centre d'accueil, à Linton-on-Ouse, dans le Yorkshire du Nord.
  • Une peine maximale d'emprisonnement à vie pour les passeurs de migrants.

Le projet de loi du gouvernement sur la nationalité et les frontières fait son chemin au Parlement, mais le temps presse pour le faire passer en loi après une série de défaites à la Chambre des Lords.

Les députés sont actuellement en vacances, mais à leur retour, ils doivent examiner une série d'amendements, dont un concernant les pouvoirs de délocalisation des demandes d'asile.

Les défenseurs des droits de l'homme ont critiqué le projet. Le Refugee Council souligne que la proposition ne fonctionnera pas et Amnesty International UK qualifie le plan d'"idée scandaleusement mal conçue".

La secrétaire d'État chargée de la culture, Lucy Powell, indique que les travaillistes souhaitent que des mesures soient prises à l'encontre des passeurs de clandestins qui cherchent à faire des affaires en ligne.

Les Lib Dems affirment que le gouvernement "claque la porte" devant les réfugiés, tandis que Ian Blackford, du SNP, qualifie le plan d'"absolument effrayant".

Comment sont traités les demandeurs d'asile au Rwanda ?

Par Cyuzuzo Samba, BBC Grands Lacs

Depuis 2019, en accord avec l'Union européenne et l'ONU, le Rwanda accueille près de 1 000 demandeurs d'asile bloqués en Libye car ils n'ont pas réussi à traverser la mer vers l'Europe.

Ils sont arrivés par groupes de quelques centaines à la fois et sont conduits au camp de transit de Gashora, à une quarantaine de kilomètres au sud de la capitale Kigali.

Ils ont le droit de rester et de vivre au Rwanda, mais leurs ambitions sont de vivre dans des pays plus développés. Ils attendent au Rwanda que leurs demandes soient traitées.

Dans le centre de transit de Gashora, des centaines de migrants sont nourris et pris en charge par le HCR. Le Rwanda fournit également un abri, la sécurité et des soins médicaux.

Le président Paul Kagame a déclaré que le Rwanda accueillait des migrants de Libye pour des raisons humanitaires. L'opposition a accusé le gouvernement d'être motivé par des intérêts financiers, une allégation que les autorités nient.