Olivier Duhamel : les allégations d'inceste en France incitent des victimes à s'exprimer

    • Author, Par Lucy Williamson
    • Role, Correspondante de la BBC à Paris

Des dizaines de milliers de personnes ont répondu à une campagne de médias sociaux en France destinée à faire la lumière sur le problème des abus sexuels au sein des familles.

La campagne, supporté par le hashtag #MeTooInceste (d'après le mouvement #MeToo), a été lancée le week-end dernier par "NousToutes", une organisation qui lutte contre les violences sexuelles en France. En français, l'inceste désigne les abus sexuels commis par des membres de la famille, y compris ceux qui ne sont pas liés par le sang.

Il fait suite aux accusations portées contre un éminent commentateur politique, Olivier Duhamel, accusé par sa belle-fille d'avoir abusé de son frère jumeau il y a 30 ans. M. Duhamel a qualifié ces allégations d'"attaques personnelles".

A ne pas manquer sur BBC Afrique :

La campagne sur Twitter a commencé à la fin de la semaine dernière avec un message d'une militante de 67 ans de l'organisation "NousToutes", connue sous le nom de Marie Chenevance.

"C'était maintenant ou jamais de briser l'omerta [code du silence] autour de cette question", a déclaré Marie. Au cours des années précédentes, a-t-elle dit, les militants avaient rencontré un "mur du silence" lorsqu'ils partageaient leurs histoires de violence familiale.

Plus de 80 000 personnes ont répondu à la campagne depuis samedi, selon l'organisation.

Mié Kohiyama a été l'une de celles qui ont partagé son histoire, aux côtés d'un dessin qu'elle a réalisé lorsqu'elle avait cinq ans.

Le dessin montre un enfant sans bouche, à côté des mots "Au secours", qu'elle a épelé "o scour". A l'époque, c'était sa façon de parler de la maltraitance, dit-elle, mais personne n'a entendu le message.

"Samedi, quand j'ai posté ce tweet", m'a-t-elle dit, "c'est étrange à dire, mais j'étais fière de la petite fille qui a fait ce dessin.

"Je me dis que maintenant les gens peuvent comprendre ce genre de dessins. Quarante ans auparavant, ce n'était pas possible".

La culture du secret

Selon les activistes, si les accusations portées contre M. Duhamel ont eu un tel impact, c'est en partie parce que le récit de sa belle-fille Camille Kouchner dans son livre "La Familia Grande" décrit non seulement le comportement présumé lui-même, mais aussi la culture du secret qui, selon elle, entourait la famille.

Muriel Salmona, une psychologue de renom spécialisée dans les violences sexuelles, affirme que les questions soulevées par la belle-fille de M. Duhamel ainsi que le lancement du nouveau hashtag ont ouvert un "espace sûr" pour que les victimes puissent s'exprimer.

Lire aussi :

Historiquement, dit-elle, il y a eu "une impunité quasi-totale en France" pour les agresseurs familiaux, avec moins de 1% des cas de viols de mineurs qui se sont retrouvés devant les tribunaux.

"Les chiffres sur la violence contre les enfants sont mauvais pour la plupart des pays européens", explique Dr Salmona. "Mais en France, il existe un courant qui tolère les violences sexuelles sur les enfants", dit-elle.

La loi qui entoure cette question est complexe. Les rapports sexuels avec des mineurs sont illégaux, mais pour prouver les accusations les plus graves de viol ou d'agression sexuelle - y compris sur un enfant - il faut prouver qu'il y a eu recours à la violence, à la menace, à la surprise ou à la coercition.

Si l'agresseur est beaucoup plus âgé que la victime, ou en position d'autorité, cela peut être considéré comme de la coercition, mais Dr Salmona affirme que ce n'est pas automatique.

Cela signifie que, légalement parlant, un enfant de 11 ans peut être considéré comme ayant consenti à avoir des relations sexuelles avec un adulte.

Les activistes demandent depuis longtemps un âge légal de consentement, mais les tentatives répétées pour faire modifier la loi ont échoué jusqu'à présent.

Un sondage réalisé à la fin de l'année dernière a révélé qu'en France, une personne sur dix avait été victime d'abus sexuels dans son enfance au sein de sa famille.

Marie Chenevance a déclaré qu'elle savait qu'un grand nombre de personnes seraient touchées par la nouvelle campagne, mais qu'elle était surprise par l'abondance des témoignages.

"D'un côté, les histoires sont tristes", a-t-elle souligné, "mais d'un autre côté, cela fait du bien - c'est libérateur".

Plus d'articles sur le sexisme et le harcèlement