Vous visualisez une version texte de ce site web qui utilise moins de données. Voir la version principale du site, avec toutes les images et vidéos.
Il lave l'honneur de son ancêtre brûlé pour sorcellerie, il y a 350 ans
La famille Krammer a appris qu'un de ses ancêtres a été jugé et exécuté pour sorcellerie en Europe au XVIIe siècle. Elle a entrepris des démarches pour l'innocenter. L'histoire s'est passée à Lemgo, une petite ville universitaire, dans le nord-ouest de l'Allemagne.
A Lemgo, le bâtiment le plus célèbre est ,"La maison du maire des sorcières". Vous savez pourquoi ce nom?
C'est une référence à un chasseur de sorcières qui y a vécu au 17ème siècle et qui a supervisé les derniers procès de sorcières.
Sur une période d'environ 50 ans, à partir de 1628, plus de 200 femmes (et cinq hommes) ont été brûlés sur le bûcher rien qu'à Lemgo. Margarete Krevetsiek ancêtre des Krammer faisait partie des personnes exécutées.
La femme a été arrêtée et accusée de conspiration et d'avoir tenté d'enseigner ses tours à une jeune fille durant l'été 1653.
Elle a avoué sous la torture avoir pratiqué la sorcellerie et a été brûlée le dimanche 10 août 1653. En guise de concession, les autorités lui ont permis d'être décapitée en premier.
Plusieurs siècles plus tard, en 2012, ses descendants ont présenté une demande officielle au conseil municipal pour demander la réhabilitation de Krevetsiek.
Cinq ans plus tard, son nom a été blanchi ainsi que ceux de toutes les victimes des procès de sorcellerie organisés dans la ville.
"Nous avons pensé qu'il était important de blanchir son nom parce que l'injustice, surtout si elle est commise par l'État ou l'Église, doit être corrigée, même après une longue période", signale un descendant Krammer. "Chaque cas mis en lumière empêche [ces injustices] d'être oublié. a t-il ajouté.
La grande chasse aux sorcières
Les procès de Salem dans le Massachusetts, aux États-Unis, au XVIIe siècle, sont bien connus dans le monde entier, mais l'Europe a été aussi, le théâtre d'une chasse aux sorcières incomparablement plus importante.
A Salem, 200 personnes ont été accusées de sorcellerie et 20 ont perdu la vie.
Dans l'Allemagne d'aujourd'hui, on estime à environ 25 000 le nombre d'exécutions qui ont eu lieu.
Dans ce qui est aujourd'hui la Suisse, par exemple, il y avait des villages présumés "villages de sorciers" qui ont été entièrement rasés.
On estime qu'entre 40 000 et 60 000 personnes ont été exécutées en Europe entre la fin du XVIe siècle et la fin du XVIIe siècle.
Hartmut Hegeler est pasteur protestant de la ville d'Unna, à une heure de route de Cologne. Depuis 2010, il a contribué à disculper des centaines de victimes de la traque des sorcières en Allemagne.
"Pour moi, il s'agit de légitimer mes convictions. Jésus-Christ lui-même a été accusé, torturé et exécuté, et nous, les chrétiens, nous disons qu'il était innocent", a déclaré à la BBC, le père Hegeler.
"Ces victimes de la chasse aux sorcières ont dû vivre les mêmes choses, elles ont été accusées, torturées et exécutées.
Il affirme que la lutte n'est pas seulement pour le passé, mais aussi contre la "violence et la marginalisation" qui se produisent encore dans le monde d'aujourd'hui.
Une "sorcière" de neuf ans
Le père Hegeler signale que l'affaire qui l'a impressionné le plus est celle de Christine Teipel, une fillette de neuf ans exécutée en mai 1630 dans le village d'Oberkirchen, au nord du pays.
Christine avait commencé à dire aux gens qu'elle était une sorcière et avait participé à une assemblée de sorcières, une danse nocturne avec le diable, avec quinze autres personnes : huit hommes, six femmes et une autre fille, Grete Halman. Les autorités l'ont arrêtée et torturée ainsi que les 15 personnes qu'elle a nommées.
Au final, 58 personnes ont été brûlées sur le bûcher, dont Christine, sa belle-mère, Grete et ses parents.
Les modes de torture exercées sur les "sorcières"
Par le passé, Il était courant de montrer les instruments de torture aux suspects lors d'un premier interrogatoire "amical".
Les interrogatoires ultérieurs doivent utiliser des formes brutales de châtiments corporels, y compris l'utilisation du râtelier et le fait de garder quelqu'un éveillé pendant des jours.
Il y avait aussi une technique couramment utilisée appelée "immersion". Une sorcière accusée en ces temps, était attachée à une chaise et submergée dans l'eau.
Si elle flottait, elle était considérée comme une sorcière qui avait utilisé sa magie pour se maintenir à flot. Elle sera par la suite brûlée sur le bûcher.
Si elle coulait, elle était considérée comme une innocente qui était "morte involontairement".
Plus de "sorcières que de "sorciers"
Bien que des hommes aient également été jugés et exécutés pour sorcellerie, la grande majorité des victimes (85% ou plus) étaient des femmes. Ils ont souvent été accusés d'actes sexuels avec le diable".
Le Malleus Maleficarum, un manuel de chasse aux sorcières du XVe siècle, mettait l'accent sur l'appétit sexuel "insatiable" des femmes, les décrivant comme des créatures sans "modération dans la bonté ou le vice".
Claire Mitchell, une avocate qui dirige une campagne récemment lancée en Écosse, affirme que l'élément de misogynie de cette époque est encore très reconnaissable aujourd'hui.
"Ce qui est très moderne, c'est que la sorcellerie est encore utilisée à ce jour comme une méthode de contrôle social et de persécution des femmes et des enfants", a-t-elle déclaré à la BBC.
Sa campagne demande le pardon, des excuses et un monument dédié aux personnes condamnées en vertu de la loi écossaise sur la sorcellerie, qui est entrée en vigueur en 1563 et s'est poursuivie jusqu'en 1736.
Récemment, le groupe a fait campagne pour placer trois plaques commémoratives sur un sentier autour de la ville historique de Culross.
Le monument commémore 380 femmes des communautés locales qui ont été emprisonnées, torturées, pendues et ensuite brûlées.
L'année dernière, des plans ont été annoncés pour un mémorial sur le site d'enterrement de Lilias Adie, une femme qui est morte en prison en 1704 alors qu'elle était forcée d'avouer avoir eu des relations sexuelles avec le diable.
Le visage de l'Adie a été recréé, à l'aide d'ordinateurs, par une équipe de chercheurs dirigée par le Dr Christopher Rynn de l'université de Dundee.
Réécrire l'histoire
Il n'est pas facile de réécrire l'histoire, même en cas d'injustice flagrante.
En Allemagne, le père Hegeler note que certaines autorités locales ont refusé d'accorder leur pardon de peur que cela ne ternisse la réputation de leur localité et ne nuise au tourisme.
Les chefs religieux allemands ont exprimé leur sympathie pour sa cause, mais signalent que l'Eglise devrait se concentrer sur les problèmes actuels tels que la crise des réfugiés et la pauvreté.
En Irlande, les militants continuent de plaider pour l'installation d'une plaque en l'honneur des victimes des procès de sorcières dans le pays.
Mais Mitchell affirme que les récents mouvements visant à faire tomber des statues de personnes liées à l'esclavage sont "un signe puissant que les gens se soucient de l'histoire".
"Ils tiennent à être correctement représentés aujourd'hui et ne veulent pas qu'on leur vende une histoire d'une autre époque.
Pour la famille Krammer, connaître le sort de leur ancêtre a ravivé un examen de conscience qui avait commencé lorsque Bernd avait 15 ans.
"Ma grand-mère était juive et a eu beaucoup de chance de survivre à son époque. Mes arrière-grands-parents n'ont pas eu cette chance", dit-il.
Il a passé cinq ans à chercher l'endroit où se trouvait la dépouille de son grand-père.
En 2001, près de six décennies après la mort de son grand-père, il a trouvé un charnier près de Berlin. Cette expérience l'a profondément marqué.
"J'ai passé deux heures là-bas, à regarder sa tombe. Alors même que je la cherchais, je pensais aux [horribles] choses que les gens peuvent faire à leurs semblables.